<p>Etudiants et étudiantes en révolte, attirés par le terrorisme ; ouvriers séduits par le marxisme et la lutte révolutionnaire ; libéraux contestataires, rêvant simplement de réformer la Russie ; autorités qui, conscientes que quelque chose couve, veillent au grain&#8230;</p>
<p>C&#8217;est dans cette atmosphère de sourde effervescence que s&#8217;ouvre le roman-fresque de Boris Jitkov, considéré par Pasternak comme &#8221; le meilleur sur la révolution de 1905 &#8220;. La roue de l&#8217;histoire, en effet, et avec elle la narration, ne tarde pas à s&#8217;emballer : grèves, manifestations, combats de rue, répression, réaction débouchant sur des pogromes d&#8217;une violence inouïe constituent la trame de ce Viktor Vavitch aussi chaotique, animé, fracassant que les événements qu&#8217;il évoque.</p>
<p>Sur ce fond d&#8217;agitation empreinte d&#8217;espoir, mais se soldant par un noir désespoir, Boris Jitkov sème ses personnages dont les destins, pleins de promesses, avorteront pour la plupart, à l&#8217;image de la révolution manquée de 1905: il y a Viktor Vavitch qui rêve de galons d&#8217;officier mais se retrouve dans la police ; il y a Bachkine qui se veut &#8221; un type bien &#8221; mais devient indicateur ; il y a le jeune Sanka Tiktine qui n&#8217;est guère convaincu par la révolution : le roman s&#8217;achèvera pourtant sur son envoi en relégation à Viatka ; il y a sa sœur, Nadienka, amoureuse d&#8217;un ouvrier au cœur de l&#8217;action clandestine ; il y a la jeune Taïnka, sœur de Vavitch, qui aime à la folie le flûtiste juif Israëlson&#8230;</p>
<p>Foisonnement de personnages, chaos de couleurs et de sons, Boris Jitkov livre ici le film de 1905, transformant le lecteur en spectateur et auditeur. L&#8217;écriture, très cinématographique, joue à merveille de la suggestion, de l&#8217;ellipse.</p>
<p>Constamment au plus près de son sujet, Boris Jitkov ne décrit pas, il saisit des images, s&#8217;y arrête un instant, nomme parfois, pour aussitôt se hâter ailleurs. Le &#8221; dernier grand roman russe &#8220;, a-t-on dit de Viktor Vavitch. Le dernier, en tout cas, à offrir cette écriture qui place la langue et la poésie au-dessus</p>